Fin août. J'avais quinze ans. Je revenais d'Italie, un été complet passé auprès de la famiglia. Pour mon retour, ma mère m'accueillit avec une immense poche de fèves à écosser. Tout un retour, des heures assises sur le perron arrière de la maison, un bol sur les genoux, à défaire les membranes fibreuses et sales des légumineuses pour en sortir, petit à petit, de petites perles marbrées de rouge. Je revoyais mes parents pour la première fois depuis trois mois, hors de question de chialer, alors je me mis au travail. Ce fut une découverte: les mains brunes de terre, mes narines emplies d'un parfum végétal, j'en aurai redemandé deux ou trois autres poches. Aucune envie de les manger ou de les cuisiner, seulement le désir indescriptible de séparer, d'ouvrir et de détacher, pendant des heures et des heures, de petites fèves sales.
Je n'ai jamais perdu ce désir. Encore aujourd'hui, j'anticipe frénétiquement l'été et mes escapades au marché pour retrouver enfin mes petites cosses dodues, prêtes à se faire transpercer. Si Amélie aime plonger la main dans un sac de lentilles sèches, je préfère amplement le contact des petits pois, gourganes et autres, encore cachés dans leur sac à couchage.
Mon plaisir recommence aujourd'hui; terminé l'attente, j'ai repris mon activité estivale favorie. Je pourrais en pleurer tellement je trouve le tout magnigique. Cher mois de juin, merci pour tes petits pois tendres et sucrés, merci pour ce vert d'une éclatante douceur. Merci de ne pas durer longtemps, car la longue attente rend le tout encore plus satisfaisant. Merci petit pois, merci d'exister.
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